La chasse aérienne déboussolée
La première partie de cette page, relative aux inexplicables manquements au protocole survenus sur la base de Langley, reprend l’analyse développée dans cet article.
Les chasseurs F16 stationnés en stand-by à la base de Langley Air Force, qui emploie 9000 militaires et 3000 civils, sont chargés de la protection de la capitale, avec ceux de Andrews.
Au total, 4 chasseurs, faisant partie du 119th Fighter Wing, constituent l’un des 7 sites d’alertes du NORAD sur le territoire des US.
Selon la version 2 des militaires et la version de la commission d’enquête, trois d’entre eux reçurent l’ordre de décoller à 9 h 24, mais ils ne quittèrent le sol qu’à 9 h 30.
« Les pilotes mettent moins de 5 minutes pour rentrer dans leurs chasseurs. Ils vivent, mangent et dorment à deux pas de leurs avions » [Lynn Spencer, Touching History, p. 117].
Les différentes chronologies s’accordent sur le fait que les chasseurs de Langley reçurent l’ordre de décollage immédiat à 9 h 24. Cependant, alors que le NORAD prétendit qu’ils furent envoyés pour intercepter le vol 77 (ou le vol 93), la commission affirma qu’ils furent envoyés pour intercepter le vol AA11, dont la FAA crut qu’il ne s’était pas crashé sur le World Trade Center et qu’il se dirigeait vers Washington.
Cependant, lorsqu’ils se présentèrent sur la piste de décollage, ils durent attendre quelques minutes, car le centre de la FAA à Washington n’avait pas encore écarté les vols de leur itinéraire prévu [Lynn Spencer, Touching History, p. 143]. Ils décollèrent finalement à 9 h 30.
Étonnamment, le superviseur de vol, le Capitaine Craig Borgstrom, reçut l’ordre de décoller aussi et 3 avions décollèrent au lieu de 2. Cette rupture dans le protocole fut réclamée par un officier du NEADS, mais Borgstrom déclara plus tard qu’il ne savait pas qui précisément. Le leader de l’unité, le Major Dean Eckmann et le Major Derrig, l’autre pilote, furent estomaqués en recevant cet ordre, tant il contrevenait aux procédures et les mettait dans une situation nouvelle pour eux.
De plus, un autre officier du NEADS, Jeremy Powell, fut également stupéfait par cet ordre, car il avait lui-même ordonné leur décollage. Il s’exclama, en apprenant la nouvelle : « Trois ? Je n’en ai demandé que 2 ! » L’ordre qu’il avait passé a-t-il été court-circuité par quelqu’un d’autre au sein du NEADS ?
Quoi qu’il en soit, l’absence de superviseur explique que les chasseurs ne furent pas informés de la mission de protection de Washington qui leur fut affectée dès 9 h 30 et qu’ils partirent dans la mauvaise direction. En fait, lorsqu’ils quittèrent le sol, ils ne savaient pas du tout ce qui se passait ni le but de leur mission [Jere Longman, Among the Heroes, p. 222].
Cette absence explique également qu’ils ne furent pas redirigés vers Washington vers 9 h 34 après qu’un officier du NEADS s’aperçut qu’ils partaient dans la mauvaise direction, car ils n’ont pas pu être contactés, et ne purent être redirigés vers Washington.
On voit que cette rupture dans les procédures explique en grande partie que Washington fut laissé sans surveillance au moment de l’attaque et qu’il aurait été facile pour les chasseurs d’intervenir si celles-ci avaient été respectées.
La raison pour laquelle les 3 F16 furent envoyés au-dessus de l’océan est mal connue. La commission d’enquête y apporta une explication compliquée, arguant que les instructions données aux pilotes étaient incomplètes. Cependant, un travail reste à faire, qui ne relève pas de cette étude[1]. Remarquons seulement que les chasseurs ayant décollé de Langley se trouvaient plus éloignés de Washington au moment de l’attaque qu’au départ de leur mission… et qu’ils n’arrivèrent au-dessus de la capitale qu’à 10 h 40, soit plus d’une heure après l’attaque [AMERICAN FORCES PRESS SERVICE, 10/11/2001].
De plus, lorsque l’ordre de se diriger vers Washington arriva enfin, il s’avéra que les nouvelles coordonnées fournies par le NEADS s’avérèrent fausses, deux chiffres ayant été intervertis par erreur, ce qui ralentit encore l’arrivée des chasseurs.
Pourquoi pas Andrews ?
Signalons que l’une des bases militaires les plus importantes des États-Unis, la base Andrews de l’Air Force, est située à 22km du Pentagone. Cette base était le domicile de la 121e escadrille, assignée à la défense de la capitale nationale.
Mais aucun chasseur ne fut déployé de cette base ce matin-là. Pourquoi ? Voici un extrait du USA Today daté du 16 septembre 2001.
« [...] Jusqu’à mardi, la base de chasseurs sur alerte la plus près du Pentagone était la base Langley de l’Air Force, en Virginie, à 130 milles [210 kilomètres] de distance. Elle était trop loin pour que les avions chasseurs puissent intercepter l’avion commercial détourné avant qu’il ne frappe le Pentagone.
La base Andrews de l’Air Force, domicile de l’Air Force One [avion présidentiel], n’est située qu’à 15 milles [24 kilomètres] du Pentagone, mais aucun chasseur n’y était assigné. [...]» [USA Today – 16 septembre 2001]
Aucun chasseur n’était donc à ce moment assigné à la base de défense aérienne de la capitale américaine, en dépit de nombreuses menaces d’attaques terroristes. Mais où se trouvait la 121e escadrille ? Laissons à cet extrait d’article de l’Aviation Week le soin de nous éclairer.
« La 121e escadrille de chasseurs basée à Andrews n’était pas sur alerte le 11 septembre parce que l’unité de la Garde Nationale Aérienne du District de Colombia (DCANG) n’était pas assignée à la force de défense aérienne du Commandement de Défense Aérospatial Nord-Américain. [...]
La journée de la 121e escadrille avait débuté normalement. Trois F-16 volaient dans une mission formative air-sol au-dessus des territoires de la Caroline du Nord, à 180 milles nautiques [333 kilomètres]. »
F-16 pilots considered ramming flight 93 (Aviation week – 9 septembre 2002)
Aviation Week affirme donc qu’Andrews ne faisait pas partie du NORAD, et que de toute façon, certains des avions en alerte étaient en Caroline du Nord.
La première partie de l’argumentation semble contradictoire avec les propos tenus par le porte parole de la Garde National Steve Goldstein le 11/9 qui a affirmé que la défense aérienne de la région de Washington dépend des chasseurs de la base d’Andrews.
En fait, la contradiction s’explique par le fait qu’Andrews ne fait pas partie du NORAD, mais est responsable de la sécurité de Washington. Cette explication a été confirmée par la conversation téléphonique entre Kyle Hence, cofondateur de 9/11 Citizens Watch et Donald Arias, le responsable des Affaires publics pour la Région continentale du NORAD, conversation rapportée par David Ray Griffin dans « Un autre regard sur le 11-Septembre » (Edition Demi Lune)
Dans cette conversation, Hence a en premier lieu demandé à Arias si Andrews possédait des chasseurs en alerte, ce à quoi Arias a répondu qu’Andrews ne faisait pas partie du NORAD. Hence a alors demandé s’il y avait des appareils disponibles en alerte à Andrews, qui, bien que n’appartenant pas au NORAD, auraient pu se voir confier la mission. Pour seule réponse, Arias lui raccrocha au nez.
En fait, le commandement des chasseurs de la 113ème escadre en poste à Andrews passe directement par la Maison Blanche et le Secret Service, si l’on en croit Steve Vogel, journaliste spécialiste des questions militaires au Washington Post.[VOGEL, 2007, PP. 445] D’ailleurs, des jets ont bien décollé de Andrews, mais seulement vers 10h42 selon la Commission d’Enquête, et effectivement sur un ordre provenant du Secret Service.
Quant à la seconde affirmation, elle suppose que les jets partis en Caroline soient revenus précipitamment pour redécoller à 10h42.
- Si cette affirmation est vraie, on peut trouver très suspect que de tels exercices aient été organisés alors qu’une importante menace terroriste exceptionnelle avait été clairement identifiée par la Maison Blanche. Cependant, il est possible que l’affirmation soit vraie mais que des F16 aient été laissé en stand by pour assurer la continuité de la protection de la Capitale, ce qui serait le plus probable, et nous ramène dans le second cas :
- Si cette affirmation est fausse, il est incompréhensible que le Secret Service, qui suivait en direct l’approche du vol 77, n’ait pas fait appel aux chasseurs qui pouvaient être sur place en « 5 ou 10 minutes », selon Paul Hellyer, ancien ministre de la Défense du Canada qui s’est joint au « Mouvement pour la Vérité », jugeant incompréhensible la paralysie des chasseurs d’Andrews.
[1] Le rôle des curieux contrôleurs aériens donnant des instructions aux chasseurs égarés au-dessus de l’océan, l’impact et la cause des mystérieux problèmes de communications entre les pilotes, le NEADS et la FAA, ou au contraire, la saturation des fréquences par des échanges verbaux confus devraient faire l’objet d’investigation.