Le curieux emploi du temps des hauts gradés
Suspect n° 1 : Dick Cheney
L’emploi du temps de Dick Cheney, et notamment l’heure de son arrivée dans le bunker présidentiel, est l’objet de nombreuses controverses. Une analyse de la polémique est présentée ici.
Suspect n° 2 : Donald Rumsfeld
Comme nous l’avons vu, suite à l’annonce du crash du second avion sur la tour nord du World Trade Center, l’Amérique est officiellement attaquée, et une réunion de crise est organisée dans le bunker du National Military Command Center peu après 9 h. On aurait pu s’attendre à ce que Rumsfeld s’y joigne, au lieu de quoi, selon la commission, il serait resté dans son bureau à passer des coups de fil [9/11 Commission, 3/23/2004].
Victoria Clarke, secrétaire d’État adjointe à la Défense, confirma cette version lors d’une interview donnée à Jim Mitchell, sur la radio WBZ Boston :
« Jim Mitchell : Je dois vous demander : étiez vous au Pentagone mardi matin (le 11/9) ?
Victoria Clarke : Oui, j’y étais.
Jim Mitchell : Pouvez-vous nous décrire ce terrible moment ?
Victoria Clarke : Eh bien, l’instant le plus terrible se situe tôt, vers 8 h 40 – 8 h 45 ,[1] quand nous avons réalisé qu’un avion, puis un autre avaient frappé le World Trade Center. Et immédiatement, le processus de gestion de crise a été activé[2]. Certains d’entre nous sont allés dans le bureau du ministre [Donald Rumsfeld], lui expliquer ce qui se passait, et lui dire que le processus de gestion de crise démarrait. Il a voulu passer quelques coups de téléphone. Alors nous sommes allés rapidement jusqu’à la zone nommée le National Military Command Center. Donald Rumsfeld est resté dans son bureau. Nous étions dans les pièces du NMCC, à environ 60 m [du Pentagone] lorsque nous avons senti la déflagration. […]. Le ministre était toujours dans son bureau »
Victoria Clarke confirme ainsi que Rumsfeld préféra rester seul dans son bureau plutôt que de rejoindre le PC de gestion des crises où il aurait pu s’assurer de la mise en œuvre des mécanismes de défense, et qu’il y était encore au moment de l’attaque.
Puis, au moment de l’attentat, « il se rue sur le site du crash » [Goldberg et al., 2007, pp. 130] contre l’avis de son garde du corps [Democracy Now !, 3/7/2007] et participe au transport de corps [Parade Magazine, 10/12/2001; [Reuters, 9/11/2001]. A un moment, il disparait même complètement, si l’on en croit David, son garde du corps, et Cambione, son aide de camp (C-SPAN, 2/25/2007). L’un des officiels qui essayaient sans succès de joindre Rumsfeld était le capitaine Charles Leiding qui était temporairement à la tête du centre de commandement militaire national du Pentagone.
Rumsfeld ne se joint au PC de crise du NMCC tenue dans la zone de l’Executive Support Center qu’après 10:15 [Victoria Clarke, 2006, pp. 218-221; Cockburn, 2007, pp. 5-6[3]], c’est-à-dire près de 15 minutes après la fin des attaques. Cette version est celle de la Commission d’enquête, qui dit s’être basée sur une interview directe de Rumsfeld.
Selon cette version, il aurait donc été absent du commandement des opérations pendant toute la durée aigüe de la crise, et aurait donc rompu la chaine décisionnelle. En effet, d’après Cockburn, en temps de guerre, Rumsfeld est normalement le partenaire du président, le lien direct avec les forces de combat, et tous les ordres devaient passer par lui. Cockburn ajoute que le NMCC est « le centre opérationnel pour toutes les crises, quelle que soit la crise, de la guerre nucléaire aux détournements d’avion ».
L’Amérique était attaquée. Il était le secrétaire d‘État à la Défense, et son absence aurait provoqué une rupture temporaire de la chaîne de commandement pendant la pire attaque subie par l’Amérique, n’y a-t-il pas la de quoi s’interroger, et imaginer que Rumsfeld aurait pu délibérément, par son absence, vouloir paralyser la réaction militaire ?
Ces comptes-rendus sur la mystérieuse disparition de Rumsfeld sont convergents, sourcés, et semblent fiables. Voilà une situation à laquelle, en ce qui concerne le Pentagone, nous ne sommes pas habitués. Et pour cause…
Ils sont en effet complètement contredits par l’interview menée par Barbara Honegger, et rapportée dans son essai « Seven Hours in September: The Clock that Broke the Lie », auprès de Robert Andrews, un ancien Béret Vert, un civil en charge des opérations spéciales travaillant sous la responsabilité de Rumsfeld, déjà cité pour son témoignage relatif à des explosions à 9 h 32 (9.1) dans les anneaux A et B.
Il révéla à Honegger que Rumsfeld, immédiatement après l’impact sur la tour sud à 9 h 03, se dirigea vers le Executive Support Center, et participa à la téléconférence pilotée par la cellule de crise de la Maison Blanche, qui démarra à 9 h 10.
D’ailleurs, Richard Clarke, le « tsar » de l’anti-terrorisme, qui dirigeait cette téléconférence, affirma dans son livre « Contre tous les ennemis » :
« Lorsque je suis rentré au centre de visioconférence,(…) j’ai vu des gens qui se précipitaient vers différents studios : Donald Rumsfeld à la Defense et Georges Tenet à la CIA. (…) Le général 4 étoiles Dick Meyers assurait l’intérim du président du comité des chefs d’Etat majors Hugh Shelton, lequel se trouvait quelque part au dessus de l’Atlantique«
Et immédiatement après 9 h 37, en parlant de Rumsfeld :
« je peux encore le voir sur l’écran ; c’est que tout le bâtiment n’est pas impacté » [Clarke, 2004, pp. 2-3 and 7-8].
Ce témoignage contredit l’affirmation faite par la Commission d’Enquête selon laquelle Rumsfeld aurait été introuvable avant qu’il ne rejoigne la conférence du NMCC vers 10 h 15.
Ainsi, nous sommes en présence de deux versions incompatibles relatives à l’emploi du temps de Rumsfeld :
- La version de la commission (également version Victoria Clarke) : Rumsfeld a disparu et n’a refait surface qu’à 10 heures
- La version Richard Clarke : Rumsfeld était à l’ESC avant et pendant l’attaque sur le Pentagone
Quelle version est la bonne ? L’avis de David Ray Griffin
Extrait de « Un autre regard sur le 11 Septembre » [Editions Demi Lune]
Il n’est pas difficile de trancher pour savoir quelle version est la plus proche de la vérité, puisque tout porte à croire que la relation de Clarke est exacte. Premièrement, si Myers et Rumsfeld n’étaient pas présents à la visioconférence de Clarke, il est difficile d’imaginer ce qui aurait pu pousser ce dernier à mentir sur ce point ; alors que si Rumsfeld et Myers y avaient participé, en affirmant le contraire et donc qu’ils ignoraient ce qu’il se passait, cela leur permettaient d’éviter d’avoir à justifier qu’ils n’aient rien fait pour empêcher l’attaque contre le Pentagone.
Deuxièmement, si la version de Clarke était un mensonge, la commission d’enquête aurait pu le prouver simplement en fournissant un enregistrement de cette vision conférence.
Troisièmement, le récit de Rumsfeld est complètement absurde : il explique qu’après avoir appris la seconde frappe sur le WTC, il serait resté dans son bureau pour son briefing avec la CIA sur des sujets divers pendant 35 minutes, jusqu’à ce que le Pentagone soit attaqué.
Suspect n 3 : le Général Dick Myers
Selon la Commission, le général Myers était au Capitole lorsque la première frappe contre le WTC eut lieu. Pensant que ce n’était qu’un accident, il ne réagit pas, et ne fut pas informé de la seconde frappe. Il ne quitta le capitole que lors de l’attaque sur le Pentagone, où il arriva juste avant 10 heures.
Encore une fois, ce témoignage est contredit complètement par le récit de Clarke présenté plus haut.
Comme nous le voyons, le récit des plus hauts gradés de l’administration américaine est suspect, et ce en relation avec l’attaque sur le Pentagone.
Du reste, d’autres officiels de haut rang ont eu des comportements étranges au cours de la matinée :
- Paul Wolfowitz, député en charge des questions de Défense et néoconservateur proche de Bush, informé de l’attaque contre l’Amérique, décida de continuer sa réunion [Vanity Fair, 5/9/2003]
- Timothy Keating, directeur des opérations de la Navy, décida de rester dans son bureau, au 4e étage des bureaux de la Navy (dans l’aile touchée) , après avoir appris l’attaque de la seconde tour, pour discuter du premier anniversaire de l’attaque de l’USS Cole [Sea Power, 1/2002];
- Le General John Jumper : Le commandant en chef de l’Armée de l’air semble, selon le livre de l’Armée, avoir regardé les images des deux tours du WTC en feu pendant 7 minutes, décida de reprendre la réunion qu’il avait interrompue, et n’arriva au centre des opérations de l’armée de l’Air qu’à 9h37 [Goldberg et al., 2007, pp. 136]
[1] La chronologie fournie par Clarke ne cadre pas avec la réalité. Le second avion frappa la tour Sud à 9 h 03, soit plus de 18 minutes après l’horaire qu’elle indique. Ce décalage, assez conséquent, a été vu par certains comme un signe que Clarke aurait compris dès la première frappe sur la tour Nord qu’il s’agissait d’un attentat, ce que peu de personnes soupçonnaient à ce moment-là.
[2] Cette information confirme qu’une cellule de crise a été mise en place dès le début des évènements, et confirme les informations de Laura Brown dans son mémo (cf. 7.1)
[3] Andrew Cockburn ‘Rumsfeld : son ascension, sa chute et son héritage catastrophique’ pages 4-5.